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jeudi 1 septembre 2016

Non, la Ligue des Champions n'est pas plus difficile que jadis !

Si ce n'est en dénonçant l'achat du match contre l'AC Milan, bon nombres de détracteurs de l'Olympique de Marseille soutiennent qu'il était très aisé de remporter la Ligue des Champions en 1993 (soit l'ancien temps). Désormais, cela s'avère être une mission encore plus périlleuse que les 12 travaux d'Hercule. Mon honneur de supporteur du club phocéen mais aussi une étude un peu plus pointue du mode qualification, des évolutions réglementaires mais aussi du mode de rémunération des clubs participants m'obligent à battre en brèche cette fausse idée.



Plus d'accessits pour une poignée de championnats

L'idée de Ligue des champions est née aux débuts des années 50 dans le but d'opposer la crème des clubs européens et de décerner officieusement le titre de "champion du monde des clubs". Dès le départ, cette compétition s'est voulue aussi sélect qu'une boîte de nuit parisienne (n'est-ce pas logique pour une coupe impulsée avant tout par des journalistes parisiens ?). D'abord, les clubs participants furent triés sur le volet. Rapidement, on imposa que seuls les vainqueurs de championnat avaient le droit de s'affronter pour remporter la coupe aux grandes oreilles. Cependant, sous la pression des clubs les plus puissants, regroupés au sein de l'influent G14, mais également à la recherche d'une manne financière plus importante, l'UEFA va ouvrir les conditions d'accession à la compétition phare. En 1997, la C1 prend un tournant important en autorisant les vice-champions à y participer. Cette élargissement s'étend même jusqu'aux troisièmes et quatrièmes (mais uniquement pour les "gros" championnats) depuis 1999. Avant, compétition d'élite, la ligue des champions s'offre désormais aux plus opportuns. Depuis 97, plus de 52 % des vainqueurs de la C1 n'ont pas été champions dans leur pays l'année précédente. En offrant plus d'accessits, l'UEFA concède des sessions de rattrapage aux clubs des championnats majeurs n'ayant pas été champions tout en augmentant la difficulté de briller pour les clubs des championnats considérés comme secondaires. Cette disposition est encore plus renforcée avec  l'annonce ce 26 août de la part de l'UEFA d'une réforme visant à qualifier automatiquement les 4 premiers des "big" au ranking UEFA (i.e Allemagne, Angleterre, Espagne et Italie). Non seulement, cela garantit la moitié des places en phase finale à 4 nations, mais en plus cela facilite les barrages qualificatifs pour les clubs français, portugais ou russes. Autant dire que pour revoir l'Apoël Nicosie en quart de finale, il faudrait que les chypriotes surmontent bien des embûches.

Un système de protection bien ancré

En plus des conditions d'accession avantageuses, les clubs ayant le ranking UEFA le plus élevé se voient protéger lors du tirage au sort de la phase de groupes par le système de tête de séries et de chapeaux. Le classement UEFA se basant sur l'historique des 5 dernières saisons, il favorise les clubs déjà installés dans cette hiérarchie. L'UEFA a quelque peu infléchie ce système des têtes de séries en accordant ce statut de tête de série numéro 1 aux meilleurs équipes championnes... des 8 meilleurs championnat (hors vainqueur de la C1 automatiquement dans le chapeau 1). En somme, les meilleures équipes des meilleurs championnats sont assurées d'avoir un ou deux adversaires à leur portée pour se qualifier pour le tour suivant. Se retrouver aux deux premières places pour le champion de Norvège, Suède ou de Pologne révèle de plus en plus de l'exploit. La réforme de Michel Platini était censée favoriser les petits pays mais elle n'a eu qu'un effet limité (voir Platini, tes petits ont-ils grandi ?)


Plus de matchs, moins de surprises

Jusqu'en 1992, la plus fameuse des compétitions de clubs se nommait encore Coupe des clubs champions et à juste titre. En effet, jusqu'alors, la compétition faisait la part belle aux confrontations directes en matchs aller-retour. A partir de l'édition 93, une phase de groupes a été introduite réduisant ainsi l'incertitude et les exploits possibles sur une voire deux rencontres. De 1999 à 2003, l'UEFA pousse même le vice plus loin en installant deux interminables phases de groupe. Ce format a été abandonné lors de l'édition 2003/04 avec le retour des huitièmes finales. Ce système de poules a agi comme un filtre à "petits" clubs ou du moins à faire la part belle aux nations "majeures". En comparant la période de 1970/1992 à 1993, Jérôme Latta démontre que ces nouvelles formules mises en place ont"rétréci" la compétition. De fait, cet entre-soi réduit fortement l'aléa sportif et la découverte de l'inconnu footballistique, aidé en cela par la libéralisation du marché des joueurs. 


Un maximum de talents dans une minorité de clubs

La chute du mur de Berlin donne un premier coup de canif à la force des clubs de l'Est. En effet, quand le rideau de fer séparait encore l'Europe, nombre de techniciens (Hagi...) et de tacticiens (Lucescu,...) étaient confinés à l'Est de l'Europe bien souvent pour des raisons politiques. Cela a permis notamment à des clubs comme le Steaua Bucarest, le Dynamo Kiev ou encore l'Etoile Rouge de Belgrade (sans compter les places d'honneur des clubs russes) de s’illustrer de manière notable. Puis l'arrêt Bosman changera définitivement la donne. En établissant l'illégalité des quotas de sportifs communautaires pour les sportifs ressortissant d’États ayant signé des accords d’association ou de coopération de l’Union européenne, cette décision a permis aux principaux clubs européens de concentrer les talents en leur sein.
Depuis cet arrêt, aucune équipe ne faisant pas partie des quatre grands championnats européens (Allemagne, Angleterre, Espagne et Italie) n'a réussi à atteindre la finale (hormis lors de l'édition 2003-2004)... De nombreux clubs qui ont fait l'histoire de la plus prestigieuse des compétitions de clubs - comme l'Ajax Amsterdam, les clubs de Glasgow, le Benfica Lisbonne - n'ont plus les ressources pour briguer la victoire finale. Pire, ils deviennent de 3e ou 4e rang qui ne peuvent rivaliser avec les clubs du 2e quart des 4 championnats principaux.

Mo' Money, less problems

Si la disparité de niveau entre le top des équipes européennes et le reste s'est agrandie, ce n'est uniquement de Bosman. L'option retenue du "Market Pool"  représente 45 % du système actuel de répartitions des richesses. Il constitue l'un des systèmes de reproduction des richesses les plus évolués. Encore une fois, les chiffres énoncés par Jérôme Latta sont sans équivoque dans son article de 2011. La C1 sous sa forme actuelle est dominée par une super élite financière. Aidés par la dérégulation du marché des transferts, les clubs les plus riches peuvent se constituer des super équipes qui leur permettent non seulement d'atteindre les phases avancées dans la compétition européenne mais également de tuer dans l’œuf la contestation interne qui pourrait les déloger du Top 3 ou 4. C'est particulièrement visible en Angleterre où le taux de renouvellement des équipes qualifiés pour la C1 est assez faible (hormis le cas exceptionnel de Leicester la saison dernière). 

PremierDeuxièmeTroisièmeQuatrièmeClubsNbre de participations
2007UnitedChelseaLiverpoolArsenalArsenal10
2008UnitedChelseaLiverpoolArsenalChelsea9*
2009UnitedLiverpoolChelseaArsenalMU7
2010ChelseaUnitedArsenalTottenhamCity5
2011UnitedChelseaCityArsenalLiverpool4
2012CityUnitedArsenalTottenhamTottenham3
2013UnitedCityChelseaArsenalLeicester1
2014CityLiverpoolChelseaArsenal
*Dont une fois après avoir remporté la C1 l'année précédente
2015ChelseaCityArsenalUnited
2016LeicesterArsenalTottenhamCity

Lors des 10 dernières saisons, seuls 7 clubs (dont une seule fois pour Leicester) ont pu se qualifier pour la Ligue des champions alors que l'Angleterre dispose de 4 strapontins par an. Arsenal a eu l'opportunité de jouer la gagne 10 fois alors que les Gunners n'ont jamais été champions durant la période. Il est toujours possible, à l'instar de Dortmund, de grimper progressivement dans les échelons en récoltant les fruits d'une gestion vertueuse. Néanmoins, cela ne remet pas en cause la domination des clubs leaders comme le Bayern Munich qui se permet de piquer les meilleurs joueurs du Borussia chaque année (Gotze, Lewandovski, Hummels...).

Certes, la phase de groupe augmente le nombre de matchs à disputer afin de remporter le Graal. En outre, la présence plus importante de clubs des meilleurs championnats (italien, allemand, espagnol, anglais tout du moins) donne l'illusion d'une concurrence accrue. Mais au final, la formule actuelle de la ligue des champions crée un système vertueux et protecteur pour une poignée de clubs. Et quand, il s'agit de désigner les favoris de la C1 cette saison, un tiercé se dégage : le Real Madrid, le FC Barcelone et le Bayern Munich. Cela tombe bien, ces clubs ont remporté 6 des 8 dernières éditions. 

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